À 85 ans passés, l'homme continue de peindre, inlassablement. Bientôt la maladie d'Alzheimer va rattraper l'artiste, le plongeant dans ses ténèbres incertaines mais libérant encore davantage sa créativité qui se réfugie dans de vibrantes aquarelles colorées. Le geste de l'artiste chinois - devenu français après la Seconde Guerre mondiale - reste lumineux ici aussi, dans cette grande et dense peinture à l'huile. Comme un écho à la révélation de la fête de Pâques, celle d'une Lumière inattendue jaillie de la nuit du tombeau. Cette nuit, désormais impossible, est évoquée ici par l'artiste vieillissant sous la forme de deux grands tableaux qui se complètent et se font face.
Une grande « calligraphie » verte parcourt l'ensemble, rassemblant des lueurs rouges, roses et jaunes. Comme si cet art ancestral de l'écriture, savamment dessinée à l'encre noire sur de grands papiers blancs, dont il est l'héritier, était renversé de l'intérieur. L'heure n'est plus à la retenue savante des élites qui maîtrisent leur art, mais bien à l'explosion de vie. « Le pinceau sert à faire sortir les choses du chaos », explique Zao Wou-Ki. Peindre devient alors une manière d'être au monde. « Peindre, le mieux possible, le vide et le plein ; le léger et le dense ; le vivant et le souffle. » Soixante ans après avoir réussi le concours d'entrée de l'école des Beaux-Arts de Hangzhou, en dessinant une statue grecque d'après un moulage, l'artiste n'a plus besoin de faire semblant. Pour lui aussi, la nuit, comme le jour, est lumière.
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