Construite près de trois millénaires avant notre ère, la cité de Mari a rayonné sur les bords de l'Euphrate durant douze siècles, notamment au cours de la dynastie des sakkanakkus (2340-2200 av. J.-C.). Carrefour incontournable, Mari a su faire profiter ses habitants des échanges commerciaux entre l'Anatolie et la Syrie, au nord, et l'Irak et le golfe Persique, au sud. La ville devient rapidement une mégapole, reconnue pour le savoir-faire de ses artisans métallurgistes et sculpteurs de pierre. Ce fragment de statue en témoigne, bien que mutilée par les siècles. Dans ce marbre blanc se dégage ainsi un torse d'homme puissant, recouvert d'un large collier et d'une tunique de peau de mouton aux longs poils ondulés. L'homme tient contre lui un animal, un agneau peut-être, qui semble s'agiter malgré les mains fermes qui le maintiennent.
Il faut dire que l'heure est solennelle, comme en témoigne la posture hiératique du personnage. L'agneau est présenté en offrande pour un de ces nombreux rituels anciens, aussi religieux que politiques. Pas étonnant que le vieil Abraham, également fils de cette terre mésopotamienne, ait cru bon de faire de même quand Dieu lui demanda le sacrifice de ce qui lui était le plus cher, son fils Isaac. Car l'époque était aussi, parfois, aux sacrifices d'enfants, quand la folie de la toute-puissance aveuglait les prêtres et les souverains. Le récit biblique préfère évoquer la conversion que le Dieu unique fait opérer dans le cœur du père des croyants, en l'invitant à remplacer l'enfant par un bélier. En attendant le signe plus grand encore de l'agneau pascal. Comme une lointaine préfiguration prophétique, l'homme de Mari nous le rappelle à tout jamais.
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